https://reporterre.net/Non-l-humanite-n-a-pas-toujours-detruit-l-environnement |
A) La fin de l’abondance
1. Terre nourricière
La
planète Terre est le support de tout organisme vivant connu, dont l’être
humain. Elle fournie des ressources à l’humanité toute entière mais est aussi la
ressource de toute une biodiversité. James Lovelock considère cette dernière
comme Terre-mère dans son hypothèse Gaïa (1).
Une Terre nourricière pour l’être humain et sa société plongée dans la nature,
mais bien séparée de cette dernière. Pourtant ce rôle que nous avons fait
porter à notre Terre commence à faiblir, tandis que la « nature » se
réaffirme. Les sols, les océans, rivières et lacs, l’air et l’atmosphère deviennent tous de plus
en plus instables. La terre d’où nous vient notre alimentation depuis plus de
10 000 ans montre des signes de faiblesse, et les espaces cultivables
prennent de la valeur car ceux non exploités se font de plus en plus rare. Ainsi
il est possible de penser la Terre comme fondement de notre société au sens
oublié d’espace et de ressources limitées. Et donc de penser sa limite comme
notre limite. Produire les 4,1 millions de tonnes annuelles de thé, ou bien les
478 millions de tonnes annuelles de riz est une pression non négligeable sur la
planète bleue (2).
Chaque jour notre exploitation intensive creuse un peu plus dans la capacité
autosuffisante de la Terre, dans sa diversité, et perturbe toujours plus les
cycles régulateurs du monde dans lequel nous vivons.
2. La crise climatique : prise de conscience
https://www.lesoir.be/273837/article/2020-01-18/ youth-climate-annonce-une-greve-nationale-le-7-fevrier |
Cette mauvaise gestion de notre
environnement débouche aujourd’hui sur une crise climatique. Extraire et relâcher
dans l’atmosphère des composés organiques en quantités excessives a modifié les boucles de rétroaction climatique. L’augmentation de la concentration de
CO2 dans l’atmosphère augmente l’effet de serre et donc le réchauffement
climatique, mais il cause aussi une acidification des océans en se dissolvant
dans l’eau. La déforestation massive, pour une monoculture destinée
majoritairement au bétail, a brisé le cycle du carbone en réduisant fatalement
son retour à la terre. « Fatalement ! », c’est excessif me
direz-vous. Pourtant chaque année, le réchauffement climatique est la cause de
300 000 décès (3).
Le réchauffement climatique
ne date cependant pas d’aujourd’hui et la communauté scientifique a simulé le danger
d’une croissance continue dès 1972 avec le rapport Meadows sur les limites de
la croissance. De plus, depuis sa formation, le GIEC ne cesse de partager des
rapports toujours plus alarmants sur les scénarios possibles à court et moyen
termes.
Ainsi une prise de conscience est
observée et des organisations et mouvements émergent pour alerter et agir face
aux enjeux climatiques. On peut par exemple citer le mouvement Youth for
Climate (4).
En réaction à cette prise de conscience, des mesures gouvernementales sont
prises lors des COP, bien que souvent elles semblent ne pas être respectées
malgré leur insuffisance initiale (moins de +2°C pour 2050).
3. Crainte et fatalisme
https://www.rcinet.ca/fr/2019/05/06/environnement-letre-humain-scie-la-branche-sur-laquelle-il-est-assis/ |
Ce manque de mobilisation pour le
climat fait craindre à beaucoup, le pire. Le GIEC publie chaque année des
rapports véritablement alarmants, avec le schéma d’un piège de sables mouvants : plus la température monte, plus elle aura tendance à monter. Pour
l’expliquer on peut prendre l’exemple de la fonte des glaciers qui diminue la
présence de ces grandes surfaces blanches réfléchissant le soleil, et donc
augmentant l’absorption de l’énergie solaire au niveau des pôles notamment. Ainsi
les hausses de température sont de plus en plus importantes. Et sur un plan
plus large, les sécheresses et les conditions climatiques sont toujours plus
rudes. Selon le GIEC, après 2030, les températures
augmenteront dans une fourchette comprise entre +1,1°c et +6,4°c à l’horizon
2090-2099 par rapport aux températures moyennes de la période 1980-1999, le niveau
de la mer augmentant de 18 à 59 cm.
https://www.mtaterre.fr/le-changement-climatique-0 |
https://www.magazine-greenlife.com/news/info/d7i.html |
Ces chiffres alarmants nous poussent à envisager
le futur pour anticiper de possibles catastrophes. C’est ainsi qu’émerge la
collapsologie, ou l’étude d’un possible effondrement. L’objectif est de penser
la fin de notre société telle qu’on la connait pour limiter les répercussions
d’un effondrement. Une anticipation que l’on pouvait voir comme originale
mais dont l’intérêt croît de plus en plus, avec la création de think tanks
autour de cette problématique comme l’institut Momentum (5).
B)
S’adapter à son environnement
1. Le respect de l’environnement
L’environnement est ce qui nous entoure et que nous exploitons pour vivre et même survivre. Ainsi le gérer durablement ou pour ainsi dire le respecter semble fondamental pour conserver un apport suffisant en ressources. Pourtant il a été fortement négligé pendant des dizaines, sinon des centaines d’années. En effet l’environnement se présente sous différentes échelles. S'il est aisé de voir notre impact sur notre environnement direct, là où nous vivons, il est plus compliqué de réaliser les conséquence de nos actions sur une échelle plus globale. A cela s’ajoute les dichotomies entre le monde urbain et le monde rural, et entre ces deux derniers et les zones les plus désertes de notre planète (désertes au sens de faible densité humaine). Cette difficulté de contact avec les conséquence de nos action est donc une partie de l’explication du chemin actuel. Mais ce qu'il est important de comprendre c’est surtout le modèle économique (maintenant presque mondialisé) qui a usé de cet élément pour écarter tout frein ou opposition pour des raisons environnementales.
Cependant à force d’études et de prises de conscience individuelles et collectives le « respect » de l’environnement commence à s’imposer légalement et éthiquement, du moins dans une moindre mesure. On peut prendre l’exemple de l’agriculture avec le développement d’une agroécologie qui opte pour des cultures à bas niveau d’intrant (où l’on supplémente peu la terre cultivée), par des techniques comme la biodynamie, les système agroforestiers…
2. Une volonté de retour à la nature
Avec cette prise de conscience, émerge
une volonté de retour à la nature. On peut situer l’émergence de cette idée
dans la formation du mouvement Lebensreform (6) à la fin du XIXème siècle dans les pays d’Europe germanique. Ce mouvement
promouvait un mode de vie plus proche de la nature, qui serait plus sain qu’une
vie citadine au sein des industries. Les différentes branches de ce mouvement
seront dissoutes ou absorbées par les jeunesses hitlériennes durant la Seconde Guerre
mondiale.
Toutefois avec l’émergence du
principe de libéralisation du commerce, et de son « abandon » aux
mains du libre marché, de nombreux mouvements altermondialistes et anticapitalistes
se sont formés depuis la fin du XXème siècle.
http://www.encyclopedie-dd.org/IMG/jpg_Calvi_1.3_Altermond._Fruits_et_leI_gumes.jpg |
Très divers, les mouvements
altermondialistes semblent toutefois avoir certains objectifs en commun, comme
la justice économique, l’autonomie des peuples, la protection des droits
humains fondamentaux mais aussi la protection de l’environnement ainsi que l’exploitation
durable des ressources.
Ces mouvements sont en partie favorables à un retour à la culture (dans les deux sens) paysanne comme moyen de réaliser ces objectifs. D’autres mouvements comme la collapsologie et le survivalisme voient ce retour à la nature comme une étape bientôt nécessaire et forcée par l’instabilité du système économique actuel.
3. S’adapter à quel prix
Ainsi il est de plus en plus souvent clamé qu’il est nécessaire de s’adapter. De s’adapter à la situation de crise, et d’anticiper la possibilité d’un effondrement ou d’une mutation de la société. Les solutions envisagées pour ce faire concernent un changement économique anticipé. On a vu la possibilité d’un retour à la terre, pour une exploitation plus responsable de ces dernières et à échelle humaine. Le développement (paradoxalement tardif) des low-techs (7), est aussi un élément important d’une économie durable. L’idée est de réduire la complexité d’un maximum d’outils et de marchandises afin d’accroître leur durabilité, et de rendre plus simple leur réparation et recyclage, pour réduire la quantité de ressources consommées et rejetées comme détritus.
Une adaptation à la crise climatique semble donc difficile à réaliser au sein de nos sociétés, mais toutefois possible en acceptant la perte de nombreux privilèges non nécessaires. Cependant attendre la possibilité d’un changement forcé est un risque important, et s’adapter dans la hâte pourrait bien avoir de lourds impacts sur nos vies et mettre une partie de la population en danger.
C) Faire face à la nature
1. Un nouvel ennemi face à notre modèle
Aujourd’hui et plus que jamais, la nature rappelle aux hommes et aux femmes la finitude de notre monde. Depuis le début de l’ère moderne (lorsque la production industrielle est devenue supérieure à la production artisanale), l’humanité a fermé les yeux, choisissant de voire le monde comme une réserve de ressources utiles et infinies. Ce mot utile reflète d’ailleurs bien notre rapport au monde : le non-humain est au service des hommes et des femmes. Ne le considérant pas comme son égal, mais plutôt comme un moyen pour atteindre une fin, l’humain use le non-humain, le réduisant à lui afin d’augmenter sa propre puissance. C’est selon cette vision que les hommes et les femmes sont entrés dans un modèle de croissance infinie : produire toujours davantage de biens et de services. Superflu devenu nécessaire. Mais toute cette production ne sort pas ex nihilo, nous n’avons pas cette capacité créatrice, seulement une capacité transformatrice. Nous puisons les ressources naturelles que nous trouvons dans un environnement limité afin d’entretenir la croissance économique illimité. Croissance infinie dans un mode fini. Ressources naturelles et croissance économiques sont ainsi intimement liées dans le processus de transformation du monde lancé par l’homme. Pourtant, il y a un décalage majeur entre ces deux phénomènes : le premier est fini, c’est un fait, et nous n’avons aucun pouvoir là-dessus. Le second est considéré comme infini par les économistes. En théorie, certainement, mais en pratique lorsque les ressources naturelles qui nous sont nécessaires à cette croissance ne seront plus, l’humanité risque de déchanter. Car pour l’instant, bien que la conscience d’une impossible durabilité d’un tel modèle se soit ancrée dans la plupart des esprits (il restera toujours des personnes pour nier l’évidence), on continue de fermer les yeux, espérant qu’une solution miracle nous apparaisse un beau matin après une bonne nuit de sommeil. Mais bon, en attendant quelques scientifiques réalistes réfléchissent et expérimentent de nouvelles solutions qui permettraient à l’être humain de continuer à vivre correctement dans un monde qui lui serait hostile, notamment ou la production alimentaire serait rendu plus que difficile à cause de nombreux problèmes (chaleur, salinisation des sols, catastrophes climatiques, pollution…)[8].
2. La technique, dernier espoir ?
À l’inverse des partisans de la soutenabilité forte, pour qui rien ne pourra remplacer l’ensemble des ressources naturelles, pour les partisans de la soutenabilité faible, le capital naturel s’il vient à baisser peut être remplacé par un autre type de capital, notamment le capital technique. Ainsi, l’être humain trouverait des solutions qui lui permettront de pallier aux problèmes que son mode de vie a posé, sans en changer radicalement puisque cette solution entre dans la continuité d’une visions où croissance économique dirige notre ligne d’action. Comme nous parlons ici de subvenir à ses besoins vitaux, il convient de donner quelques exemples concernant le domaine de l’alimentation. La technique peut porter sur les systèmes d’économie de ressource comme en témoigne l’irrigation contrôlée, la maîtrise totale des sols pour les optimiser. Elle agit également directement sur le vivant avec notamment les OGM, les herbicides-pesticides-fongicides ou encore les nanotechnologies. Toutes ces techniques qui se développent davantage chaque jour et dont les capacités peuvent parfois dépasser l’imaginable peuvent pourtant paraître aberrantes, surtout lorsqu’elles touchent au vivant. Des questions éthiques se posent alors, et de nouveaux dangers apparaissent aussi bien pour l’humain que pour les non-humains.
Il semble donc erroné de
penser que seule la technique nous permettra de résoudre cette crise
environnementale et sociale à laquelle nous sommes confronté et qui risque de s’accentuer
dans les décennies futures si des décisions radicales ne sont pas prises.
3. Remodeler le monde
Si l’être humain souhaite
retrouver une certaine harmonie aujourd’hui perdue dans sa manière de vivre dans
le monde, il est raisonnable de penser que son modèle doit être repensé. Il a
ces des derniers siècles a recherché la dichotomie entre lui et la nature, afin
de la dominer, l’asservir et la rendre prévisible[9]. Pourtant, paradoxalement les
désastres naturels de plus en plus fréquents et l’épuisement de nos ressources,
rend la nature de plus en plus dangereuse et imprévisible pour l’homme. Comme
si elle cherchait à rappeler à l’homme sa finitude, son impuissance dans ce
domaine. Notre environnement est une force supérieure à la notre, et il est
vain de vouloir chercher à le réduire à nous.
Il est urgent de penser l'homme comme une partie intégrante de la Terre, modifier notre conception du non-humain pour ne plus le considérer seulement comme quelque chose "d'utile" mais comme des alter-ego dans le sens où nous partageons quelque chose d'essentielle : l'environnement dans lequel nous nous trouvons.
C'est pourquoi, la technique seule ne peut pas suffire à nous sortir des problèmes environnementaux ; elle permet certes de repousser l'échéance du point de saturation mais celui-ci arrivera bel et bien à un moment donné.
Mettons un terme à l’illusion des ressources infinie, et à l’accès encouragé à la surconsommation.
1. Latour, Bruno. Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique. Les Empêcheurs de penser en rond. La découverte, 2015. https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Face____Ga__a-9782359251272.html.
2. « DDCereales : statistiques mondiales écologiques en temps réel ». Consulté le 13 juin 2020. https://www.planetoscope.com/agriculture-alimentation/cereales.
3. « Planetoscope - Statistiques : Nombre de morts dus au réchauffement climatique ». Consulté le 13 juin 2020. https://www.planetoscope.com/mortalite/898-nombre-de-morts-dus-au-rechauffement-climatique.html.
4. « La jeunesse pour le climat »
6. « La réforme de vie »
7. « basses technologies »
8. Parmentier, Bruno. Nourrir l’humanité: les grands problèmes de l’agriculture mondiale au XXIe siècle. Paris: La découverte, 2009.
8. Parmentier, Bruno. Nourrir l’humanité: les grands problèmes de l’agriculture mondiale au XXIe siècle. Paris: La découverte, 2009.
9. Latour, Bruno. Face à Gaïa.
Huit conférences sur le nouveau régime climatique. Les
Empêcheurs de penser en rond. La découverte, 2015
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