Partie 3 : L'Ayahuasca, vecteur de limites ou fenêtre sur le progrès ?

Photo du Centre de médecine traditionnelle à Dinamarca sur le site : ayahuasca-retreats.info

Les réseaux touristiques qui se sont développés ont bouleversé les modes de vie des tribus, les transformant parfois en véritables camps pour touristes. Ces changements sont lourds de conséquences et mettent en avant certaines limites de notre système occidental. Heureusement, un nouveau regard porté sur l'Ayahuasca semble pouvoir fournir un meilleur équilibre entre les acteurs ainsi qu'une une progression commune plutôt qu'un usage inégalitaire.


1. Des limites occidentales mises en lumière par ce tourisme

Des soins occidentaux incomplets

Le tourisme chamanique connaît de plus en plus d'adeptes et chaque jour des personnes du monde entier cherchent à vivre cette nouvelle expérience que représente l'Ayahuasca. Bien entendu, les profils sont variés parmi ces gens mais on retrouve beaucoup de personnes se sentant mal à ce moment de leur vie. La plupart de ces gens ne sont pas à l'aise dans leur quotidien sans savoir quoi faire et cette nouvelle expérience est en quelques sortes un dernier moyen de retrouver un souffle de vie. Ceci met en évidence une lacune dans notre système occidental et plus particulièrement dans la santé. En effet, toutes ces personnes n'ont pas trouvé de solution à leur situation. Alors qu'il y a de plus en plus de psychologues et autres spécialistes des problèmes mentaux, un nombre non négligeable de personnes ont besoin de cette nouvelle expérience pour se renouveler. Manque de structure, d'accompagnement ou tabou quant à ce genre de problèmes : plusieurs pistes sont possibles mais une chose est sûre, la solution ne se trouve pas dans nos systèmes actuels. On peut également remarquer l'existence d'un véritable manque de rapport à la nature dans des sociétés toujours plus urbanisées. Ceci est un problème dont on est conscient puisque des efforts sont fait pour rendre les villes plus vertes mais un réel manque se dévoile d'un rapport vrai et puissant avec la nature.

Un colonialisme économique qui sévit toujours

Ce tourisme chamanique met également en avant un autre défaut de nos civilisations occidentales. En effet bien que le système des colonies est globalement pris fin de nos jours, l'approche des pays occidentaux dans ce nouveau commerce a mis en avant une économie toujours marquée par le colonialisme. Avec la découverte et le développement de l'Ayahuasca, les entreprises occidentales n'ont pas cherché à se mettre en contact avec les protagonistes initiaux de cette aventure. Au contraire un rapport dominant c'est rapidement mis en place et ces entreprises ont littéralement pris le contrôle du marché, laissant les locaux au simple rang d'employés mais les dépossédant de ce qui est un élément de culture pour eux. Les entreprises ont mis la main sur l'économie et font des bénéfices importants qui ne profitent que peu aux latino-américains. Cette situation n'est pas inédite puisqu'on la retrouve dans la plupart des pays émergents ou en voie de développement. Elle est souvent critiquée car elle limite le développement du pays au profit du développement des entreprises venant s'y implanter. Cependant on voit que face à une nouvelle occasion, le comportement n'a pas changé et les pays développés continuent de profiter des richesses d'autres pays plutôt que les aider à se développer grâce à cette richesse.

2. Une rencontre difficile entre deux mondes

La secousse d'un ordre ancestral

Les chamans dirigent les tribus dans la jungle amazonienne depuis des siècles mais l'arrivée de nouveaux enjeux autour de l'Ayahuasca a poussé certains d'entre eux à faire des choix. Ainsi plusieurs chamans se sont spécialisés dans le tourisme chamanique, s'associant souvent avec des tour-operators. Néanmoins ce changement est inattendu et tous ne sont pas prêts à le connaître. Pour certains, les cultes traditionnels ne doivent pas être partagés et seuls quelques rares élus peuvent les découvrir. Pour d'autres, l'aspect commercial a pris le pas sur la tradition et le culte de l'Ayahuasca devient une véritable entreprise employant les locaux. Développer les infrastructures, créer un côté traditionnel exacerbé, tout est bon pour développer ce véritable business. De nombreux observateurs craignent une disparition partielle ou totale de ces traditions chamaniques car ce sont majoritairement les jeunes chamans qui prennent goût à cette économie leur permettant d'entrer dans le monde moderne. Certains de ces chamans deviennent de véritables stars, traversant le monde et donnant des conférences. Cela crée une réelle division chez les chamans et nul ne peut prédire comment cela évoluera.

Un Occident non-préparé à cette rencontre

Il serait réducteur de croire que seuls l'Amérique du Sud connaît des répercussions plus ou moins mauvaises. En effet, l'Ayahuasca est arrivé en Occident tel un nouvel eldorado où chacun pourrait se réconcilier avec lui, la nature et continuer sa vie plus paisiblement. De nombreuses personnes se sentant dans une impasse dans leur vie choisisse donc cette voie comme échappatoire. Mal préparés, mal conseillés, mal renseignés, les histoires de touristes ne se sentant pas prêts à une telle expérience ou ayant risqué leur vie sont nombreuses. En effet, le rituel de l'Ayahuasca est très éprouvant et la plupart des personnes s'y risquant le font sans réellement savoir ce qui les attend. De plus, outre le tourisme chamanique, un second business s'est développé dans la production d'Ayahuasca et sa vente pour les touristes du monde entier. Interdit dans de nombreux pays, les vendeurs en Amazonie n'hésitent pas à fournir de fausses étiquettes ou autres falsifications afin de permettre à leurs acheteurs de repartir l'esprit tranquille. Les pays doivent-ils renforcer les contrôles ou bien autoriser ces produits sur leur territoire ? A eux de décider mais à l'heure actuelle, l'Ayahuasca est une nouvelle drogue très puissante qui sévit dans le monde et de trop nombreuses personnes l'utilisent sans vraiment la connaître, rendant son utilisation particulièrement dangereuse.

3. Vers un progrès de la médecine

La médecine traditionnelle, une réelle alternative?

Le tourisme chamanique a néanmoins permis de développer et propager la médecine traditionnelle. Présente dans la plupart des pays du monde sous une forme ou une autre, elle tient une place plus ou moins importante dans les pays. De manière générale, elle est en recul dans les pays les plus développés. Cependant, la nouvelle vague du tourisme chamanique a remis au goût du jour la médecine traditionnelle à de nombreux endroits et notamment dans toute l'Amérique. Loin d'un retour en arrière, de nombreuses personnes tirent le meilleur des deux médecines pour se soigner. Là où la médecine actuelle va soigner de nombreux problèmes physiques, la médecine traditionnelle va souvent permettre au patient un suivi plus psychologique. Dans plusieurs pays, la médecine traditionnelle tend à être reconnue et certains vont même jusqu'à l'encourager, la légaliser et la financer au même titre que la médecine dite classique. Il faut tout de même remarquer que ce progrès est laborieux et que de nombreuses personnalités de la médecine contemporaine s'y opposent. Ainsi certains médecins adeptes de cette autre forme de soin vont découvrir l'Ayahuasca mais dans le secret afin de ne pas être mal vu par leurs patients.

L'Ayahuasca, nouveau médicament?

Loin d'une opposition entre les médecines traditionnelle et classique, l'arrivée de l'Ayahuasca dans le monde présente un intérêt second au sein du monde médical. En effet, la plante ayahuasca ainsi que les nombreuses plantes utilisées dans les rites ne sont connues que par les chamans et très peu par les scientifiques du monde entier. Leurs effets psychotropes ne sont plus à prouver mais leurs effets thérapeutiques sont quant à eux plus questionnés. Néanmoins, ces plantes contiennent de nombreuses nouvelles espèces chimiques que les scientifiques cherchent à isoler et identifier afin de déterminer leurs effets. Parmi elles, beaucoup devraient pouvoir servir à l'élaboration de nouveaux médicaments ou de nouveaux matériaux. Les recherches en pharmacologies se multiplient et les premiers résultats sont prometteurs quant à la découverte de nouvelles substances ayant une utilité médicale. Espoir vain ou véritable progrès médical, il est encore tôt pour le dire mais les scientifiques s'intéressant à ces plantes sont très optimistes et espèrent leur trouver de nombreuses utilisations.



Bibliographie

1.Des limites occidentales mises en lumière par ce tourisme

-Amselle, J.-L. (2013). Psychotropiques : La fièvre de l’ayahuasca en forêt amazonienne. Albin Michel. 
-Boumediene, S., & Mazauric, S. (2009). Avoir et savoir : L’appropriation des plantes médicinales du Nouveau-monde par les Européens (XVIIe-XVIIIe siècles) : mémoire de master II, soutenu le 25 juin 2009 à Lyon. s. n.]. 

2.Une rencontre difficile entre deux mondes

-Losonczy, A.-M., & Cappo, S. M. (2010). Entre l’« Occidental » et l’« Indien ». Autrepart, n° 56(4), 93‑110. 
-Taussig, S. (2018). Néo-chamanisme et néo-colonialisme : Entre chaos et déstructuration sociale. Les Temps Modernes, n° 698(2), 70‑89. 

3. Vers un progrès de la médecine

-Moutinho, A. (2012). L’ayahuasca, breuvage chamanique amazonien : De la médecine traditionnelle à l’utilisation occidentale [Thèse d’exercice]. Université Bordeaux-II. 
-Potiron, J. (2013). L’ayahuasca : Traditions et dérives d’une boisson psychotrope amazonienne [Thèse d’exercice]. Université de Nantes. Unité de Formation et de Recherche de Sciences Pharmaceutiques et Biologiques. 

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