Aujourd'hui dans notre émission Regard sur le monde, nous vous présentons un numéro spécial sur "L'Ayahuasca chamanique". En exclusivité, retrouvez deux experts du sujet ainsi que deux chamans péruviens sur notre plateau pour vous faire découvrir les caractéristiques de cette boisson psychédélique. De ces origines primitives dans les tribus autochtones à son usage touristique de nos jours, nos invités vous diront tout sur cette boisson si intriguante.
Présentateur : <<Bonjour à toutes et à tous. Ce soir dans Regard sur le monde, nous parlerons d’une plante utilisée depuis des siècles en Amérique latine et aujourd’hui exploitée pour un des voyages les plus en vogue : le tourisme chamanique. Pour nous éclairer sur cette pratique, nous avons la chance d’avoir quatre invités d’exception. Docteur en pharmacie depuis 2013 avec sa thèse L’Ayahuasca : traditions et dérives d’une boisson psychotrope amazonienne, je vous demande d’accueillir chaleureusement Monsieur Julien Potiron. Connu pour avoir été un des premiers à parler d’ayahuasca en France et ayant partagé son expérience dans Plantes et chamanisme : conversations autour de l’ayahuasca et de l’iboga en 2008, je vous demande d’accueillir l’anthropologue Jeremy Narby. Pour finir, ils nous font le privilège de venir du Pérou spécialement pour notre émission, le premier est chaman dans son village natal de Dinamarka tandis que le second ouvre le culte traditionnel à des adeptes du tourisme chamanique, je vous demande d’accueillir Tiojenes et Guillermo que l’on a pu découvrir dans la vidéo youtube Voyages chamaniques proposée par la chaîne Investigations et Enquêtes. Julien Potiron, vous avez étudié l’ayahuasca dans votre thèse, pouvez-vous nous en dire plus sur cette mystérieuse plante ?>>
Julien Potiron :<<Avec plaisir. Le terme ayahuasca vient du quecha Aya désignant le mort et par conséquent l’âme tandis que Huasca correspond à la corde. L’Ayahuasca signifie donc la liane de l’âme. C’est une plante ayant des effets psychotropes que l’on trouve en Amérique du Sud et qui est utilisée depuis longtemps par les autochtones dans leur médecine traditionnelle. On parle souvent de plante enthéogène, on veut alors dire quelle génère dieu ou les esprits en nous.>>
Tiojenes : <<Vous avez tout à fait raison, c’est d’ailleurs pour ça que le chaman lui-même en consomme à chaque séance pour entrer en transe et contacter l’esprit de Madre Ayahuasca. Il est ainsi capable d’accompagner son patient et de l’aider autant que possible sur la voix de la guérison.>>
Jeremy Narby : << Bien entendu vous parlez ici de soigner des troubles psychologiques. Nous en parlions tout à l’heure dans les coulisses : bien que vous ayez le statut de médecin du village, si vous ou un habitant avez un problème physique, vous allez à l’hôpital pour être soignée avec la médecine occidentale. C’est d’ailleurs un point important qui n’est peut-être pas assez souvent mis en avant. La cure à l’Ayahuasca est éprouvante physiquement et nécessite d’être en forme pour présenter le moins de risque possible. De plus, plus la personne se sent mal mentalement et plus les effets pourront être dur à supporter.>>
Guillermo : <<En effet la cure d’Ayahuasca n’est pas ouverte à tous. Chaque touriste que je reçois doit remplir un questionnaire de santé afin d’évaluer s’il peut ou non venir pour être soigné. Aussi, avant et après la première prise d’Ayahuasca, je discute et observe les participants pour savoir s’ils peuvent suivre le traitement de deux semaines. J’écoute aussi toutes leurs expériences de transe, comme un médecin j’en faire presque une psychanalyse pour les aider au mieux dans leur méditation. Pour surveiller au mieux les touristes que j’accueille, j’ai fait agrandir le bâtiment où a lieu le rite. Il faut savoir que l’Ayahuasca n’est pas utilisée seul. Le terme ayahuasca désigne la plante dont vous nous avez parlé. Cependant il désigne également un breuvage préparé avec cette plante à laquelle on ajoute une autre plante procurant des visions : le Chakrouna. La plante ayahuasca permet seulement d’atteindre un état de transe.>>
Tiojenes : <<Dans mon village, je suis chaman et donc médecin et leader. Je n’accueille pas de tourisme car les tours-operators et l’intérêt économique qu’ils amènent ne plaît pas à Madre Ayahuasca et aux esprits. Travailler avec les touristes n’a qu’un intérêt personnel pour le chaman et Guillermo conduit une entreprise faisant travailler 17 personnes. Il reconnaît lui-même que ce tourisme l’oblige à avoir un téléphone ce qui est contraire à ses principes. L’Ayahuasca est un phénomène de mode en Occident et beaucoup de touristes viennent ici sans être réellement prêt au rituel qui les attend. Ils vont se nourri pendant la durée du séjour d’une boisson à base de plantes de la jungle uniquement qui est nécessaire à la connexion avec l’esprit et les prises d’Ayahuasca sont toujours éprouvantes. Beaucoup veulent abandonner après les premières prises et certains ne font même plus appellent aux chamans, ils achètent l’Ayahuasca sur des marchés où on leur vend avec une fausse étiquette pour passer la douane.>>
Julien Potiron : <<C’est vrai qu’on a pu voir des déviations dans l’usage de l’ayahuasca. Les différentes tribus lui attribuent divers effets mais l’usage qui en est fait par les touristes est encore différent. La plupart d’entre eux cherchent soit une nouvelle expérience à vivre soit un renouveau ou une solution lorsqu’ils se trouvent dans une situation difficile. On est assez loin d’une médecine traditionnelle comme la pratique Tiojenes dans son village. La preuve en est que l’Ayahuasca peut désormais être acheté un peu partout dans le monde. Les gens s’en procurent pour ses vertus psychotropes et le rôle du chaman a disparu dans leur usage. Traditionnellement le chaman prend également de l’ayahuasca et accompagne le patient par ses chants chamaniques lorsque les visions psychédéliques arrivent. Il arrive même que seul le chaman en prenne afin d’entrer en communion avec les esprits et demander leur aide pour soigner le patient. Cependant un néo-chamanisme s’est développé au cours de ce qu’on appelle les années hippies. Les nouveaux chamans ont grandi dans la société occidentale et ils cherchent souvent à guérir la cause psychologique des maux physiques et non leurs conséquences comme la médecine classique. Ils vont mélanger les rites traditionnels des autochtones à d’autres pratiques spirituelles et thérapeutiques. Des usages religieux sont aussi nés. Certains adeptes l’utilisent également dans le traitement d’addiction. Cependant cette dernière pratique n’est pas reconnue par tous et certains pays qui l’acceptaient l’ont aujourd’hui interdite suite à des accidents mortels provoqués par le mélange de diverses substances.>>
Jeremy Nardy : <<L’Ayahuasca est maintenant une plante beaucoup plus utilisée. Elle ne se limite plus à l’utilisation thérapeutique qu’en font les chamans dans leur village. On voit alors une diversité se créer au sein mêmes de ceux qu’on nomme les chamans. Certains comme Tiojenes poursuivent leur rôle ancestral de chaman du village étant à la fois un guide et un médecin. Ils font un usage de l’Ayahuasca très traditionnel : le même depuis des siècles et réservé aux membres de leur village. D’autres, comme Guillermo, ont décidé d’ouvrir ce pan de leur culture aux touristes du monde entier. Ils invitent ainsi des centaines de touristes par an à passer dans leurs installations de plus en plus développées, prêt à leur faire vivre un voyage au cœur du monde des esprits et de leurs traditions ancestrales. Enfin d’autres développent un business autour de ce phénomène de mode qu’est le tourisme chamanique ou tourisme de l’ayahuasca, délaissant parfois le cœur traditionnel du rôle du chaman pour s’ouvrir au monde.>>
Présentateur : <<Merci à tous pour vos interventions. Nous en savons désormais plus sur le rôle du chaman. Nou nous retrouverons dans un instant pour parler plus en détails pour parler du tourisme chamanique et des vertus curatives de l’Ayahuasca avec deux nouveaux invités ayant récemment traités ces sujets: le podcasteur Jean-Christophe Podcast et la critique En direct de la Lune.>>
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