« Cette union des contraires trouve son sens le plus éloquent à travers la symbolique de l’indigo. A la fois sombre et luisant, il est le parfait oxymore, traduisant la dynamique de l’éphémère inopiné et l’infini immuable. » (Assas, 2015)
Chez les Yorubas, un peuple nomade du désert, les couleurs sont imprégnées de significations ; trois chromatiques prédominent : Funfun (représentant sagesse et vieillesse), Pupa (chaleur et agressivité) et Dudu. Cette dernière nuance est associée au froid et à la clairvoyance ; son meilleur exemple est la couleur indigo. L’indigo se retrouve aussi dans la culture touarègue. En effet, le terme « hommes bleus », qui fait la renommée des Touaregs, provient d’un élément central de leur culture singulière : la couleur indigo du méhari et de l’imzad, leurs habits traditionnels, qui, portés souvent, peut colorer jusqu’à la peau. Cependant, la plante nécessaire à la production de ce pigment est beaucoup moins connue malgré son importance : l’indigotier.
C’est un arbuste tropical dont la fermentation ou l’ébullition des feuilles et des tiges permet l’extraction de l’indigo. Il s’agit d’une des plus anciennes plantes domestiquées par l’humanité pour ses propriétés colorantes. Sa culture remonte à plus de 4000 ans en Inde, au Proche-Orient et en Égypte. Avec à la forte demande en pigment des manufactures textiles, son exploitation fut diffusée à travers toutes les régions tropicales au cours de la révolution industrielle et de la colonisation. Cependant, il serait réducteur de percevoir l’indigo uniquement comme une teinture textile. En effet, ses utilisations, comme nous le verrons, sont multiples. Il s’agira de faire apparaître ce paradoxe de l’indigo, substance naturelle pourtant source de pratiques culturelles.
Nous nous intéresserons aux usages traditionnels de l’indigo en examinant les biais par lesquels la couleur indigo est produite et transformée ainsi qu’aux supports sur lesquels elle se fixe. Ces différents supports sont, la plupart du temps, l’expression de diverses pratiques culturelles ; nous nous concentrerons sur certaines d’entre elles. Il s’agira ainsi d’analyser les pratiques des peuples nomades du Sahel, dont l’indigo est un important marqueur culturel, et ainsi d’étudier la symbolique à laquelle l’indigo renvoie dans ces différentes cultures, c’est-à-dire la manière dont il est perçu par les populations concernées. Comment, à travers l’indigo, dans un contexte d’uniformisation culturelle, les peuples du Sahel parviennent-ils à maintenir chacun une identité singulière ? Autrement dit, comment l’indigo, substance naturelle, est-il devenu un produit culturel singulier, incarnation d’une résistance face à l’uniformisation culturelle ? Nous essaierons de répondre à ces questionnements en examinant les techniques associées aux plantes, techniques d’appropriation de la nature mais aussi sources de sa compréhension. Nous étudierons la place de ces pratiques dans la culture de certains peuples d’Afrique Occidentale. Enfin, il sera temps de nous pencher sur les symboliques de l’indigo, en péril face à l’uniformisation culturelle.
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