Partie 3 : épistémologie de la biologie
Dans cette partie, il s’agit de se focaliser sur une épistémologie spéciale ou régionale, celle de la biologie, où la connaissance de la vie est en jeu. Ce champ est d’autant plus captivant qu’il n’y a pas de regard strictement objectif de curiosité désintéressée sur la vie.
→ la vie se manifeste comme valeur (sa conception implique d’ailleurs souvent une certaine hiérarchie entre l’inerte, le vivant et l’esprit)
→ elle semble engendrer création et richesse, et cristalliser nos fantasmes et délires
→ la « vie » est un mot magique pour Bachelard (cf. obstacle épistémologique dans la connaissance de l’univers inerte).
Comment l’épistémologie de la biologie aide-t-elle à appréhender la compréhension de la vie et du vivant ?
1) les propriétés du vivant
a) la vie : une notion problématique
La vie est une notion qui paraît être une donnée élémentaire de l’expérience immédiate, facilement distinguable de l’inerte et du mort. Mais la frontière n’est pas toujours facile :
- les virus sont-ils vivants ?
- quand meurent-on ?
- espèces, populations, écosystème, biosphère sont-ils eux-mêmes vivants ?
La conception de la vie implique plus largement des dimensions éthiques, juridiques et politiques.
Approcher le vivant =
- décrire la diversité du vivant → par l’histoire naturelle
- comprendre le fonctionnement des organismes → par la « philosophie naturelle »
⇒ à partir du XIXe siècle se développe une nouvelle discipline identifiable, la biologie, qui désigne aujourd’hui l’ensemble des discipline qui œuvrent à la connaissance rationnelle des phénomènes vivants.
b) les propriétés du vivants
b) les propriétés du vivants
- l’individualité : la matière vivante apparaît comme un progrès dans l’individuation. Cette individualité fonde une unicité, une originalité – un être vivant n’est exactement identique à aucun de ses semblables ; elle est une identité qui se manifeste de façon privilégiée dans le système immunitaire ;
- une morphogenèse autonome : l’être vivant est sujet à des modifications plus fréquentes et plus rapides que la matière inerte ; il est surtout lui-même le principe des modifications ; il a la capacité de changer, de se développer, de se mouvoir de lui-même. Son devenir n’est certes pas indépendant des circonstances extérieures, mais il en est relativement autonome ;
- les échanges avec le milieu : l’être vivant n’est pas seulement dans le milieu, mais il échange aussi avec le milieu et vit de cette relation – c’est d’ailleurs l’objet à part entière d’une discipline à par entière ;
- l’invariance : l’invariance morphologique est double : a) synchronique (les individus sont semblables à l’intérieur d’une classe) et b) diachronique (les individus sont semblables d’une génération à l’autre) ;
- la reproduction : les vivants sont des êtres capables de se reproduire ;
- la mort : il n’y a pas de vie sans mort et tous les êtres vivants meurent un jour (cf. toute vie meurt, mais la vie pourrait n’avoir d’autres limites que celle de l’univers qui lui a donné naissance) ;
- l’organisation : ce que la conception inaugure et que la mort détruit, ce n’est pas la matière de l’être mais sa forme. Les êtres vivants sont organisés, ils sont des organismes. L’organisme est ainsi un système de parties qui concourant toutes à l’existence de l’ensemble au sein d’un certain milieu particulier
- la finalité ou téléonomie : un être vivant est toujours « fait pour » telle fonction – Monod, 1970 : les vivants sont des « objets doués d’un projet », via des performances téléonomiques
2) la nature de la vie
→ questions préliminaires : comment pouvons nous expliquer le phénomène du vivant ? Le mécanisme, sa causalité et son déterminisme suffisent-ils pour cela ?
a) l’animisme
La biologie commence, avec Aristote, comme science des corps animés. L’âme, pour Aristote, n’est nullement un privilège humain, c’est le principe explicatif de tous les vivants.
→ dans la matière seule, la vie n’est qu’en puissance : l’âme correspond à l’existence en acte des êtres
→ l’âme n’est pas le vivant, qui viendrait habiter du dedans une matière inerte ; le vivant est précisément l’unité de la matière et de l’âme qui l’informe.
Pour Aristote, la vie est question de degrés : âme végétative (croître et se reproduire), sensitive (sensation, appétits et mouvement), intellective
⇒ contre l’atomisme, Aristote tente de penser l’irréductible spécificité du vivant, par rapport au reste des éléments matériels du monde.
b) le mécanisme
mécanisme = doctrine d’après laquelle tous les changements sont des mouvements, selon les lois du monde physique
cf. Traité de l’homme de Descartes :
« Je désire, dis-je, que vous considériez que ces fonctions suivent toutes naturellement, en cette machine, de la seule disposition de ses organes, ni plus ni moins que font les mouvements d’une horloge, ou autre automate, de celle de ses contrepoids et de ses roues ; en sorte qu’il ne faut point à leur occasion concevoir en elle aucune autre âme végétative, ni sensitive, ni aucun autre principe de mouvement et de vie, que son sang et ses esprits agités par la chaleur du feu qui brûle continuellement dans son cœur, et qui n’est point d’autre nature que tous les feux qui sont dans les corps inanimés. »
→ n’y voir qu’une mécanique, c’est, pour Descartes, nettoyer la connaissance du vivant des illusions nées de notre relation intime avec lui.
/!\ Descartes ne renonce pas à l’idée de vie. Mais dans la pensée cartésienne, la mécanisation du vivant a pour contrepartie l’affirmation de la transcendance de l’homme par rapport à la nature.
Remarque : expliquer les phénomènes biologiques par l’action mécanique de structures cachées, c’est aujourd’hui précisément l’intention de la biologie moléculaire. Celle-ci correspond en fait parfaitement à démarche cartésienne [Jacques Monod : le fonctionnement de « la machine cellulaire » est cartésien]
Difficultés du mécanisme : on peut admettre le principe d’un fonctionnement strictement mécanique des organismes → mais qu’en est-il de leur formation ?
→ la finalité peut apparaître comme une propriété essentielle des êtres vivants, dont le mécanisme ne semble pas en mesure de rendre compte. Dans La Connaissance de la vie (1965), Canguilhem apporte des éléments de réponse sur la question de la finalité (c’est-à-dire du but plus que des causes) dans l’explication de la vie.
Problèmes des deux pensées précédentes :
→ Aristote biologisait l’ensemble de la nature
→ Descartes fait disparaître la vie dans l’immense mécanisme du monde
c) le vitalisme
Le point de départ de la conception vitaliste est de constater que l’action des éléments extérieurs sur l’être vivant semble plutôt désorganisatrice qu’organisatrice → l’organisation des vivants, si elle explique les fonctions vitales, doit elle-même être expliquée, dans sa capacité à se maintenir, comme structure d’ordre au sein de l’univers : le vivant, c’est non seulement la création de choses, mais aussi leur maintien contre le désordre.
→ l’organisme doit avoir un principe unificateur, stabilisateur, une force organisatrice
- Goethe : vie comme « force productrice contre l’action des éléments extérieurs »
- Cuvier : vie « force qui résiste aux lois qui gouvernent les corps bruts »
- Bichat : vie « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort »
Le vitalisme est aussi une réaction contre l’attitude réductrice déterminée par un souci technique de domination de l’homme face à la nature.
→ ce qui reste du vitalisme aujourd’hui peut se trouver dans un écologisme radical qui identifie la Terre à un être vivant (cf. hypothèse Gaïa de Lovelock)
→ le vitalisme retrouve certaines intuitions animistes, préscientifiques, de l’alchimie et de l’astrologie
Aujourd’hui, le vitalisme est disqualifié, mais il est sans nul doute une étape décisive dans la constitution de la biologie : en particulier, il signe l’autonomie de la biologie (bios, la vie) face aux sciences physiques et chimiques.
Remarque : Auguste Comte (1842) : « Aussi toute science a-t-elle dû longtemps lutter contre les envahissements de la précédente »
→ la biologie est fascinée par la toute puissance explicative des sciences physiques et chimiques
→ les sciences humaines seront elles-mêmes tentées par les schémas biologiques dans l’explication des phénomènes sociaux ou psychiques.
⇒ c’est là le mouvement qu’on appelle réductionniste, qui part du principe qu’on peut expliquer un champ par un autre, voir subsumer un champ sous un autre.
- avantages du mécanisme ↔ unifier rationnellement la nature
- avantages du vitalisme ↔ biologie comme discipline autonome.
[l’approche mécaniste continue de guider la recherche, mais la portée du vitalisme n’est pas nulle : on la retrouve dans le romantisme ou dans le bergsonisme par exemples]
d) l’organisation
Parallèlement, la connaissance biologique n’a jamais cessé son investigation des structures d’organisation du vivant. Que cherche à penser la biologie ?
1- les niveaux d’organisation
L’histoire de la biologie repose sur un mouvement de descente en direction de niveaux de plus en plus cachés de l’architecture des vivants.
cf. Logique du vivant, François Jacob (1970) : les sciences du vivant ont étudié progressivement :
- les structures visibles de la perception immédiate
- la cellule (premier constituant universel des vivants, étape capitale liée au microscope)
- les chromosomes et les gènes
- la molécule d’ADN (base matérielle de la conformation de tout organisme et fondement de l’hérédité)
/!\ ce qu’une époque parvient à connaître est intimement lié à ce qu’elle se représente comme pensable et possible.
2- la « machinerie » de l’organisme
La « tendance moléculaire », de plus en plus prégnante aujourd’hui dans la recherche en biologie, confirme la vitalité du mécanisme en biologie : grâce aux molécules, les scientifiques expliquent mécaniquement les phénomènes.
→ la découverte du code génétique (ADN) constitue son succès le plus brillant
→ mais si on peut tout expliquer par les molécules, est-ce à dire qu’il n’y a alors plus aucune frontière ontologique entre l’inerte et le vivant ?
→ faut-il conclure que la biologie cesse d’avoir un objet propre et qu’elle doit se diluer dans la chimie et la physique ?
⇒ on retrouve là l’ombre du réductionnisme qui tend à mélanger les champs et à les réduire les uns aux autres en en omettant la spécificité
3- les dangers du réductionnisme
Plusieurs sens :
- sens positif : chez les biologistes, le réductionnisme est utilisé pour souligner que la composition des corps vivants n’implique aucun élément qui ne soit déjà présent dans la matière inerte et que rien ne contrevient aux lois générales de l’univers physique ; dans ce cadre là, il véhicule surtout une négation du vitalisme
- sens négatif : le réductionnisme peut aussi prétendre que pour comprendre le tout, il faut l’avoir préalablement décomposé en ses plus petites parties – en disant par exemple que toute la biologie est en fait de la biologie moléculaire. Or, à l’état isolé, un composant chimique ne fait pas apparaître la nature de sa contribution à la vie organique. En outre, l’explication par parties décomposées isole le phénomène du tout dans lequel il s’insère.
⇒ il s’agirait donc de proscrire ce réductionnisme selon lequel les théories pertinentes à un certain niveaux de réalité ne sont qu’un cas particulier des théories conçues pour expliquer un niveau inférieur. Sans quoi :
→ la biologie se réduirait à la chimie
→ la chimie se réduirait à la physique, science ultime
Au contraire, la compréhension d’un phénomène dépend de son cadre conceptuel
→ le réductionnisme oublie que : « sans cesser d’obéir aux principes qui régissent les systèmes inertes, les systèmes vivants deviennent l’objet de phénomènes qui n’ont aucun sens au niveau inférieur. La biologie ne peut ni se réduire à la physique, ni se passer d’elle » (La logique du vivant, François Jacob)
Le réductionnisme est le symptôme et l’outil de l’impérialisme de la physique et des mathématiques. On voit clairement la tentation de rendre compte des phénomènes humains (psychologiques, linguistiques, sociaux, culturels) à partir des seuls mécanismes physiologiques à l’œuvre dans le corps biologique de l’homme. Comment les sciences humaines et sociales seraient donc amenées à être pensées ?
4- exemple du réductionnisme neurophysiologique : un matérialisme insuffisant
La neurophysiologie et les neurosciences entreprennent de connaître les mécanismes cérébraux sous-jacents aux faits de conscience ; elles proposent une approche physico-chimique des phénomènes mentaux
⇒ pour ce faire, elles ont besoin d’un réductionnisme méthodologique
⇒ mais doit-on pour autant renoncer à l’esprit ?
⇒ il faut se rendre compte que la préférence matérialiste n’est pas une option qui s’impose, mais bien au contraire une thèse philosophique
remarque 1 : nous manquons d’une théorie qui rendrait compte de la manière dont s’articulent phénomènes cérébraux et faits de conscience (sciences cognitives)
remarque 2 : c’est hors de l’individu qu’il faudrait peut-être chercher l’explication de ce qu’il pense – il y a autre chose dans la pensée humaine que l’activité de son cerveau (la culture, la société, les relations, etc.). Ainsi, la culture peut être comprise comme « pensée matérialisée »
⇒ à l’inverse, prendre le cerveau pour l’unique fondement du psychisme humain, comment tendent souvent à le faire les sciences cognitives et les neurosciences, c’est le substituer simplement à l’âme des spiritualistes, c’est en faire le double fantasmé .
e) les deux tendances fondamentales de la biologie
De manière générale, on peut distinguer deux tendances fondamentales au sein du champ de la biologie.
1- la tendance réductionniste
La tendance réductionniste renvoie à une certaine attitude analytique : elle s’intéresse à l’organe, aux tissus, aux molécules, elle veut rendre compte de la fonction par la structure.
2- l’attitude holiste
Prenant le chemin inverse, l’attitude holiste (grec holos, totalité) appréhende l’organisme en l’intégrant à des systèmes d’ordre supérieur (espèce, population, écosystème) sans négliger que l’élément d’une totalité est lui-même un tout.
→ fondée sur l’observation, cette biologie considère l’être vivant dans ses relations avec son milieu et avec son histoire
→ l’organisme pose des problèmes dont la solution se trouve au-delà de l’organisme lui-même (dans le milieu, dans les interactions ou dans l’histoire évolutive)
Ces deux axes ne divergent pas inexorablement et même parfois s’entrecroisent dans les différentes théories biologiques contemporaines.
3) les théories de l’évolution
Outre la question de la nature de la vie, l’épistémologie des sciences et l’histoire de la biologie analysent les différentes théories de l’évolution dans le monde vivant.
a) le créationnisme
Le créationnisme est une théorie fortement liée à une croyance religieuse selon laquelle la création (divine) est responsable de la vie sur terre, de la présence des êtres vivants et de l’univers tout entier.
Outre le problème que la théorie créationniste entre en contradiction avec de nombreux faits scientifiques prouvés et admis par la communauté scientifique, il y a une inconséquence à présenter la création divine comme une solution des difficultés des théories évolutionnistes : en effet, qu’y a-t-il de plus difficile à penser que la création ex nihilo de la matière par un esprit ?
De plus, il s’agit d’une conception fixiste : les espèces vivantes y apparaissent comme entités créées une fois pour toutes et demeurant éternellement (sauf dans le cas de disparition). Il n’y aurait donc pas d’évolution des espèces.
Toujours est-il que, ce que le créationnisme révèle une tendance que les êtres humains ont : en effet, nous aspirons à connaître l’origine des choses (cf. titres de bon nombre de magazines de sciences : « L’origine de ... »). La création joue alors le rôle de geste héroïque, de récit mémorable
b) du fixisme au transformisme
Contre le fixisme, le transformisme défend l’idée que les formes vivantes ont évolué après leur apparition que et les espèces se sont modifiées en même temps qu’elles se disséminaient sur la Terre.
Le transformisme devient alors un puissant schéma d’unification de connaissances venues d’horizons très divers
remarque sur la religion : toutes les théories fixistes ne sont pas religieuses et l’adhésion au transformisme n’exclut pas une position religieuse.
c) Lamarck (1744-1829)
Les principes de l’évolutionnisme lamarckien, liés à des considérations physiologiques, sont les suivants :
- le vivant à une tendance irréversible à la complexification
- la variation permanente des circonstances provoque la modification des organismes réagissant à ce changement par un changement de leurs besoins et donc de leurs habitudes
- les caractères ainsi acquis sont transmis à la descendance
⇒ Lamarck dépend l’idée que les conditions d’existence d’un être vivant influent sur la conformation de ses organes. La tendance spontanée se heurte ainsi à la force des circonstances, mais de manière différente :
- le végétal est relativement passif : les modifications des circonstances s’y répercutent directement
- sur l’organisation animale, le milieu agit indirectement, en modifiant les besoins vitaux
C’est le fameux exemple de la girafe (dont le cou s’allonge parce que, de génération en génération, les girafes s’efforcent d’atteindre aux plus hautes feuilles des arbres). Ainsi, selon Lamarck, la fonction crée l’organe et son absence le fait disparaître.
→ un apport considérable de Lamarck est la mise en évidence de l’hérédité des caractères acquis
→ en outre, avec Lamarck, le temps long devient central
NB : la théorie de Lamarck est aujourd’hui invalidée à l’échelle des organismes (la girafe n’a pas vu son cou s’allonger à force de tirer dessus), mais à certaines échelles et dans certains cas, les éléments théoriques qu’il propose s’avèrent utiles (par exemple récemment en épigénétique)
d) Darwin (1809-1882)
¤ L’Origine des espèces : c’est l’ouvrage de référence de Darwin, qui présente sa pensée révolutionnaire. Cependant, le sens et la portée de la révolution darwinienne ne sont apparus qu’a posteriori, à la lumière de la génétique (50 ans plus tard). Au départ, la théorie de l’évolution et de la sélection naturelle est en fait dans la démarche de Darwin une hypothèse ad hoc, c’est-à-dire une conjecture gratuite, dépourvue de fondement dans l’observation et que ne justifie que sa capacité à protéger le système contre une difficulté théorique
Les principes du transformisme darwinien selon Ernst Mayr (2001) peuvent être résumés de la manière suivante [accrochez vous – mais c’est logique] :
- observation 1 : la fécondité des espèces conduirait, si tous les individus se reproduisaient, à une croissance exponentielle
- observation 2 : à l’exception de fluctuations occasionnelles, les populations restent stables
- observation 3 : les ressources naturelles (nourriture et espace) sont limitées et à peu près constantes dans un environnement stable
- observation 4 : dans une population donnée, aucun individu n’est identique à aucun autre (variabilité)
- observation 5 : beaucoup de ces variations se transmettent par hérédité
- déduction 1 : 1, 2, 3 → l’accroissement des populations dépasserait les capacités de l’environnement si une concurrence entre les individus n’en éliminait un grand nombre (cf. Malthus)
- déduction 2 : déduction 1 et observation 4 → l’issue de cette concurrence dépend statistiquement pour les individus de leurs capacités propres à en affronter les contraintes (sélection naturelle)
- déduction 3 : déductions 1 et 2, observation 4 → à travers la succession des générations, la sélection naturelle conduit à une transformation graduelle des populations qui débouche sur l’apparition de nouvelles espèces
La sélection naturelle est la clef de voûte de l’évolutionnisme darwinien :
→ elle empêche un être de se reproduire en le tuant avant qu’il n’ait procréé
→ elle sélectionne les caractères favorisant l’obtention d’un partenaire sexuel
⇒ ses effets se situent au niveau des espèces et des populations
remarque 2 : la théorie du « gène égoïste » de Dawkins s’intègre dans le cadre de la pensée darwiniste. La théorie du gène égoïste défend l’idée qu’un organisme vivant ne serait qu’un dispositif dont se dote l’ADN pour s’assurer une descendance ; c’est une conception heuristiquement assez féconde, qui propose notamment une approche intéressante des comportements dits « altruistes »
L’évolution est-elle un progrès ? Le progrès ne peut pas être défini sans fixer des critères. Le critère est ici celui de l’adaptabilité, à savoir la capacité d’un vivant à faire face à d’éventuelles modifications de son milieu, à réagir sur la base de ses possibilités actuelles. Cela veut dire que l’évolution va dans le sens de l’adaptation et de l’adaptabilité, et que l’adaptation est le critère du progrès en question.
Il faut bien noter les aspects aléatoires de l’évolution, son imprévisibilité, son caractère contingent de son résultat → l’évolution aurait pu suivre des chemins différents (il n’y a pas de plan préconçu ni de plan nécessaire), elle a connu des impasses voire des suicides évolutifs.
→ ainsi, on voit que l’évolution intègre à la fois hasard et nécessité : cf. Le Hasard et la nécessité, Jacques Monod (1970) → en biologie :
- mutation ↔ hasard
- adaptation par sélection naturelle ↔ nécessité
Pistes à explorer concernant des conséquences de la révolution darwinienne, notamment en direction des sciences humaines et sociales :
- le darwinisme comme critique de l’anthropocentrisme
- le darwinisme social et la question de l’eugénisme
- les modèles biologiques du social
- la notion d'entraide de Kropotkine
Bibliographie
ALLAMEL-RAFFIN, Catherine, GANGLOFF, Jean-Luc, La Raison et le Réel, Paris, Ellipses, 2007
BACHELARD, Gaston, La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, 1938
BARREAU, Hervé, L’épistémologie, Paris, Que-sais-je ?, PUF, 2002
CANGUILHEM, Georges, La Connaissance de la vie, Paris, Vrin, 1965
CHAPELLE, Albert, Épistémologie, Bruxelles, Lessius, 2008
COMTE, Auguste, Discours sur l’esprit positif, Paris, 1842
DARWIN, Charles, L’Origine des espèces, Paris, Flammarion, 1999 (1ère éd., 1859)
DAWKINS, Richard, The Selfish Gene, Oxford University Press, 1976
DESCARTES, René, Traité de l’homme, 1633
DESCARTES, René, Méditations métaphysiques, A.T.IX, 1641
DUPOULEY, Patrick, Épistémologie de la biologie. La connaissance du vivant, Paris, Armand Colin, 1997
FRANKLIN, Allan, The Neglect of Experiment. Cambridge, Cambridge University Press, 1986
GONZALEZ, Solange (dir.), Épistémologie et Histoire des sciences, Paris, Silberstein, 2010
HACKING, Ian, Entre science et réalité, La construction sociale de quoi ?, Paris, La Découverte, 2008
JACOB, François, La Logique du vivant, une histoire de l’hérédité, Paris, Gallimard, 1970
JONAS, Hans, Le principe de responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, Cerf, 1979
KANT, Emmanuel, Critique de la raison pure, dans Oeuvres philosophiques, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1980
KTEMER-MARIETTI, Angèle, DHOMBRES, Jean, L’épistémologie, état des lieux et positions, Paris, Ellipses, 2006
MAYR, Ernst, What Evolution Is, New York, Basic Books, 2001
MONOD, Jacques, Le Hasard et la Nécessité : Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, Éditions du Seuil, coll. « Points Essais », 1970
Aucun commentaire