A) Début des
contestations.
Dès les années 1980, les biotechnologies végétales ont fait l’objet d’une
opposition de la part des mouvements de défense de la nature avant même que les
premières réalisations n’aient vu le jour. En France, dès 1987, les
organisations écologistes ont exprimé vigoureusement leur opposition aux
premiers essais au champ de PGM (Plantes Génétiquement Modifiées) menés par l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique).
1/ Premiers
scandales médiatiques
En août 1998, Arpad Psztai, dont le manuscrit venait d’être refusé pour
publication dans une revue scientifique, déclarait, dans une interview à la
BBC, que des rats nourris avec des pommes de terre transgéniques présentaient
des anomalies de développement. Ces affirmations, scientifiquement contestées
mais fortement médiatisées, ont engagé la Grande-Bretagne en février 1999 dans
une attitude durable de rejet des PGM. Au printemps de la même année, la revue
Nature publiait un article qui affirmait que le papillon Monarch était menacé,
au cours de ses migrations entre le Canada et le Mexique, par la toxicité du
pollen de « maïs Bt » cultivé dans les plaines du « Middle West » des
États-Unis. Une polémique de grande ampleur a été déclenchée par les
écologistes.
2/ Premières
réactions politiques
Ces deux événements médiatiques ont trouvé un écho dans l’opinion et ont eu
pour conséquence de modifier l’attitude de l’Union européenne à l’égard des
PGM. En juin 1999, le gouvernement français décidait, à la demande des
organisations écologistes, de proposer à l’Union européenne de suspendre les
autorisations de culture et de consommation de nouvelles variétés végétales
génétiquement modifiées tant qu’un seuil d’acceptabilité n’aurait pas été
défini et qu’une réglementation relative à l’étiquetage et à la traçabilité des
OGM n’aurait pas été élaborée. Cette décision de l’UE marque la chute du nombre
d’essais réalisés sur le territoire de l’Union entre 1999 (près de 250) et 2002
(moins de 50).
B)
Effets des PGM sur la santé
1/ Toxicité
des PGM : évaluations et doutes
L'évaluation de la toxicité potentielle des PGM est une tâche difficile,
car aussi étonnant que cela puisse paraître, les scientifiques ne disposent pas
d’une méthodologie adaptée à l'évaluation de la sécurité sanitaire des
alimentaires. Devant cette difficulté, des réunions internationales de
scientifiques ont conduit, à partir du début des années 1990, à proposer une
approche qui consiste à faire des comparaisons entre la PGM et ce qui est
appelé le « comparateur », une plante qui doit posséder des gènes aussi
identiques que possible à ceux de la PGM pour différentes caractéristiques :
les phénotypes (aspect extérieur), les performances agronomiques (rendement,
mais aussi résistance aux ravageurs, aux maladie, etc.), les caractéristiques
de composition (nutriments, composés toxiques ou antinutritionnels
naturellement présents) et l’acceptabilité des produits par les animaux.
Les résultats des tests de toxicologie peuvent conduire à s’interroger sur les
effets potentiels sur la reproduction, le développement ou encore le comportement
par exemple. Des études complémentaires peuvent alors être entreprises ; mais
en général, le développement de la PGM concernée sera interrompu en raison du
coût de ces études. Ces différents tests toxicologiques sont capables de
détecter une toxicité marquée, y compris des aliments, mais ils manquent de
sensibilité et de spécificité pour mettre en évidence des effets discrets. La
mise en oeuvre de cette méthodologie reconnue officiellement n’a pas mis en
évidence d’effets négatifs des PGM reconnus par la communauté scientifique. En
revanche, le doute plane encore et les questions concernant l’impact des OGM
sur notre santé sont toujours d’actualité. En effet, plusieurs questions sont
toujours sans réponses précises : la dégradation des OGM au cours de la digestion,
les risques d’allergie, les effets des OGM sur la nutrition humaine, etc.
2/ Quels
effets sur notre organisme ?
L’ingestion de produits contenant des OGM crée toujours une incertitude sur
la présence d’une substance indésirable qui pourrait présenter des dangers pour
l’homme ou l’animal. Les modifications transgéniques peuvent avoir pour but de
conférer aux plantes des résistances aux agents pathogènes et une tolérance à
des herbicides spécifiques, et il semble donc rationnel de se demander ce que
produira sur notre organisme l'ingestion de ce type de produits. Des recherches
sont toujours en cours pour apporter des réponses claires à cette inquiétude,
et elles devraient notamment tenir compte : des caractéristiques physiologiques
et morphologiques des nourrissons, des enfants, des personnes âgées, des femmes enceintes ou allaitant, et des personnes
souffrant de maladies chroniques ; des effets de changements qui seraient dus à
la consommation d'aliments génétiquement modifiés dans un régime alimentaire
équilibré ; ou encore des effets du stockage, du traitement, ou de la cuisson
sur les valeurs nutritionnelles de ces produits génétiquement modifiés.
3/
Dégradation des OGM au cours de la digestion
Dans l'alimentation, les OGM se présentent sous deux
formes principales. D’une part, il y a les produits frais (fruits, légumes,
etc.) : les gènes modifiés sont directement soumis aux enzymes digestives. D’autre part, il y a les produits
transformés ou dérivés (concentré de tomates, farine, etc.) : le procédé de
fabrication peut dénaturer les molécules (transgéniques ou non). Concernant la
dégradation des OGM au cours de la digestion, elle se fait, comme pour tous les
autres aliments, de deux manières dans le tube digestif : soit de façon mécanique (par la
mastication, le brassage dans l'estomac), soit de façon chimique (sous
l'effet des enzymes digestives, qui dégradent les aliments et les transforment
en composés simples (acides aminés, acides nucléiques, etc.). Une fois ces traitements
chimiques et mécaniques effectués, il est très peu probable qu'une molécule
reste fonctionnelle dans l'organisme après digestion. Pour savoir si toutes ces
dégradations suffisent à détruire une molécule transgénique, des tests de
survies gastrique et intestinale ont été proposés
mais ils posent des problèmes pratiques majeurs : il faut disposer d'une grande
quantité de molécules pour faire ces tests, mais il est difficile d'en extraire
assez à partir de la plante ; les modifications des protéines que l'on pourrait observer
dépendent de l'hôte, ce qui peut modifier leur toxicité ; enfin, dans la réalisation de ces
tests, on ne prend pas toujours en compte les personnes à capacité digestive
réduite (personnes âgées, enfants) qui sont pourtant plus sensibles aux
intoxications.
C) Effets
des PGM sur l’environnement
1/ Pollen,
croisements et contamination
Le transgène est présent dans l’ensemble des cellules d’une PGM. Il est
donc présent également dans le pollen. Or le pollen est poussé par le vent ou
emporté par des insectes pollinisateurs. Ce phénomène naturel, la pollinisation
croisée, peut entraîner une dissémination du transgène. On parle aussi de
contamination quand ce pollen issu de la PGM féconde une plante apparentée,
sexuellement compatible. Selon les plantes et les régions agricoles, les
possibilités de croisements sont plus ou moins larges. Ainsi, si en Europe un
maïs génétiquement modifié ne peut se croiser qu’avec un autre maïs, ce n’est
pas le cas du colza qui peut se croiser avec de très nombreuses plantes
apparentées, comme la moutarde ou la ravenelle. Cette contamination a pour
conséquence le fait qu’une plante génétiquement modifiée qui tolère un
herbicide puisse transmettre cette tolérance à des plantes de la même famille.
Ainsi, les plantes adventices (plus communément appelées les « mauvaises herbes
») acquièrent progressivement une résistance à ces herbicides, donc les
agriculteurs doivent continuellement se procurer de nouvelles PGM tolérant
d’autres herbicides ou supportant un spectre de toxicité plus important.
2/ L’usage de PGM «
insecticide » provoque des résistances
Les plantes Bt, qui
produisent en permanence une protéine insecticide, posent de nombreux problèmes
écologiques relativement bien documentés. Tout d’abord, la protéine Bt
produite vise, en théorie, un parasite ou une famille de parasites. Si la PGM
fonctionne bien, la population « parasite » peut disparaître. Elle peut alors
laisser la place à une autre population, auparavant parasite mineur.
L’éradication totale d’une population n’est donc pas un objectif pertinent en
soi.
Ensuite, plusieurs études
ont montré que les PGM Bt ne sont pas nocives uniquement pour les insectes
cibles. Elles peuvent aussi affecter d’autres insectes (dits non-cibles) qui
jouaient un rôle dans l’équilibre écologique global en étant, par exemple,
prédateur de parasites. Il en est ainsi de la coccinelle, des puces d’eau ou encore
des écrevisses.
Enfin, l’utilisation en continu de
ces PGM Bt favorise l’apparition, chez les insectes cibles, de la résistance à
la protéine insecticide. De telles populations d’insectes résistantes rendent
caduques les PGM Bt et obligent les agriculteurs à utiliser d’autres PGM
produisant plusieurs protéines insecticides, vendues par les mêmes entreprises
de biotechnologie, ou alors à retourner aux insecticides chimiques.
3/ Une
biodiversité menacée, notamment dans les bassins d’origine des espèces
En 2005, la Société anglaise Royale des Sciences a publié des résultats
d’un vaste programme d’évaluation des impacts sur l’environnement de cultures
de plantes transgéniques. Ces résultats montraient que dans les champs de
culture de colza transgénique tolérant un herbicide, la quantité de
dicotylédones (mauvaises herbes) ne représentait qu’un tiers de celle retrouvée
en culture conventionnelle du fait des traitements herbicides. Or, ces plantes
produisent les graines les plus attrayantes pour plusieurs espèces d’oiseaux
(alouettes, bouvreuils...) ainsi que des pollens appréciés des abeilles et des
papillons. En conséquence, les chercheurs avaient constaté que les champs « transgéniques » abritaient moins d’abeilles et de papillons, et ils
s’inquiétaient d’un effet possible sur les oiseaux. Par ailleurs, le Mexique
est le berceau génétique du maïs, l’Inde de l’aubergine, l’Europe du colza,
etc. : une contamination de ces plantes par des transgènes dans leur berceau
d’origine pourraient nuire grandement à la biodiversité. Plusieurs
organisations demandent qu’a minima les PGM soient interdites dans les
zones d’origine des cultures transformées.
4/ Autres
exemples d’effets néfastes sur l’environnement
Il a aussi été montré que le principe actif de
l’herbicide Roundup, le glyphosate, peut avoir des effets négatifs sur du soja
transgénique modifié pour le tolérer. Ce soja génétiquement modifié aurait une
activité de photosynthèse moindre.
Les abeilles sont également exposées à ces PGM
et des répercussions négatives en sont visibles : diminution de leur capacité à
associer une odeur à une source de nectar ; diminution des activités de
butinage ; etc.
Bibliographie :
A)
BASSET, Xavier, LE GALLI, Michaël, MIKE, La
Guerre des OGM, Paris, Editions Delcourt, 2009
DATTEE, Yvette, PELLETIER, George, « Comment
a-t-on abouti à un refus de la culture des PGM ? », in DATTEE, Yvette,
PELLETIER, GEORGE, Pourrons-nous vivre sans OGM ?, Paris, Editions Quae,
2014, p. 190-192
OURY, Jean-Paul, La querelle des OGM,
Paris, Presses Universitaires de France, 2006
TESTOT, Laurent, « Le défi de l'Anthropocène », in Les Grands Dossiers des Sciences Humaines, Vol. 25, n° 12, 2011, p. 21-21
ZIN, Jean, « L’Anthropocène nous rend responsables du monde
», in EcoRev', Vol. 44, n° 1, 2017, p. 24-29
B)
Impact des OGM sur la santé [En ligne], in Futura-Sciences.
Disponible sur <https://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/genetique-ogm-tour-horizon-complet-223/page/3/>
KUNTZ, Marcel, Les
OGM, l’environnement et la santé, Paris, Editions Ellipses, 2006
C)
FLEURY,
Philippe, Agriculture biologique et environnement : des enjeux
convergents, Paris, Educagri éditions, 2011
MEUNIER,
Eric, Les larves de coccinelles sont bien victimes de la protéine Bt du maïs
OGM MON810 [en ligne], in Inf’OGM. Disponible sur <https://www.infogm.org/5054-OGM-Mon810-larves-de-coccinelle-victimes-de-la-proteine-Bt>
MEUNIER,
Eric, Des effets négatifs du glyphosate sur du soja transgénique le tolérant
[en ligne], in Inf’OGM. Disponible sur <https://www.infogm.org/4629-le-glyphosate-perturbe-le-soja-OGM-qui-le-tolere>
MEUNIER,
Eric, NOISETTE, Christophe, OGM : impacts de la protéine modifiée Bt sur la
faune aquatique [en ligne], in Inf’OGM. Disponible sur <https://www.infogm.org/3447-OGM-impacts-proteine-Bt-faune-aquatique>
NOISETTE,
Christophe, OGM : nocifs pour la biodiversité ? [en ligne], in Inf’OGM.
Disponible sur <https://www.infogm.org/OGM-nocifs-pour-la-biodiversite>
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