Retour sur la naissance du manga au Japon et sur son développement en France




Le manga, véritable phénomène culturel au Japon et dans le monde. Retour sur sa naissance et son développement au Japon ainsi que sur son essor en France
(d'après un podcast de France Culture : « La France, deuxième patrie du manga » (31/03/2017))



         Un manga est une bande dessinée japonaise. Étymologiquement, ce mot est composé de « ga » (), qui désigne la représentation graphique (dessin, peinture), et « man » (), qui veut dire divertissant, sans but. Écrits par un auteur appelé « mangaka », ils se lisent généralement dans le sens d'origine, c'est-à-dire de droite à gauche, et la plupart sont en noir et blanc. Les mangas ont un rythme de parution très rapide : en moyenne un chapitre par semaine, et un manga étant composé d'environ dix chapitres, cela correspond à peu près à un tome tous les trois mois.

Ordre de lecture d'une page de manga

           
Les Japonais associent très souvent le mot manga à Osamu Tezuka, l’homme qui fut sacré au Japon comme étant le « dieu du manga ». Très grand admirateur de Walt Disney, son rêve était de produire des dessins-animés. Cependant, à son époque (juste après la Seconde Guerre mondiale), le Japon était ruiné et n’avait donc pas les moyens d’en produire. Tezuka a dédié la totalité de son talent à la création d’un style graphique permettant de faire ressentir les émotions que le lecteur pourrait avoir en visionnant un film. Il a dessiné plus de 170 000 pages durant sa carrière, et c’est grâce à ce très célèbre mangaka que sont nées les onomatopées, les grands yeux des personnages de mangas (pour montrer leurs sentiments et leurs émotions), et la plupart des autres effets graphiques du manga contemporain. Ces différentes techniques de dessins sont toujours utilisées par les mangakas de nos jours. Cet homme a, en résumé, défini le style dominant des mangas tels qu’on les connait, et il a grandement contribué à l’essor du manga au Japon.

Osamu Tezuka 

           
Masakazu Kubo (directeur du Character Business Center de Shogakukan, le premier éditeur de mangas japonais) explique dans une conférence donnée à Francfort en 2005 que le manga représente plus d’¼ de l’industrie du livre japonais et génère chaque année au Japon plusieurs centaines de milliards de yens (ce qui équivaut à plusieurs milliards d’euros). De plus, les magazines japonais dédiés aux mangas (ex : le fameux Weekly Shōnen Jump) sont en moyenne lus par plus de 20 millions de lecteurs, soit plus d’1/6 de la population nippone. En bref, le manga fut un véritable succès au Japon dans la deuxième moitié du XXe siècle, et il est donc normal qu’un tel phénomène se répande dans le monde entier, et notamment en France, pays considéré comme « la deuxième patrie du maga ».

            Chez nous, la popularité du manga est principalement due au succès qu’ont connu les dessins-animés japonais (Goldorak, Dragon Ball, Les Chevaliers du Zodiaque...) dans les années 1980 et 1990. En effet, de nombreuses émissions de jeunesse ont vu le jour durant cette période, notamment Récré A2, diffusée sur Antenne 2 (France 2), mais aussi Youpi ! L’école est finie !, diffusée sur La Cinq (France 5), et surtout Le Club Dorothée, l’émission très populaire diffusée sur TF1.
            Le premier manga à avoir été publié en France, en 1979, s’appelle Le vent du nord est comme le hennissement d'un cheval noir, écrit par Shōtarō Ishinomori, et édité par Kesselring. Cependant, le succès n’était pas au rendez-vous. Il a fallu attendre mars 1990 pour que le manga se popularise réellement en France, avec la publication d’Akira, de Katsuhiro Ōtomo, par l’éditeur Glénat. Cette œuvre a connu un énorme succès : la raison principale était la qualité phénoménale des dessins d’Ōtomo, qui maîtrisait totalement le « speed-line », une technique de dessin consistant à insister sur la vitesse en insérant des lignes serrées (en l’occurrence derrière des motos).
         
Exemple du « speed-line » utilisé par Katsuhiro Ōtomo
Première édition française du tome 1 d'Akira

            C’est dans les années qui suivirent, avec la publication d’autres grands titres par l’éditeur Glénat comme Dragon Ball (1993) d’Akira Toriyama, Ranma ½ (1994) de Rumiko Takahashi, ou encore Détective Conan (1997) de Gōshō Aoyama qu’a réellement débuté l’essor du manga. Au milieu des années 1990, selon France Culture, tous les grands éditeurs français de bande-dessinée avaient développé leurs collections dédiées aux mangas.

            Il y a plusieurs raisons qui expliquent un tel succès. Premièrement, la plus évidente : le prix. En effet, le prix de vente moyen d’un manga est d’environ sept euros, tandis que le prix de vente moyen d’une bande dessinée franco-belge avoisine les quinze euros, et ce sont les adolescents qui lisent le plus de mangas, et ont plus de facilité à acheter ces-derniers que les bandes dessinées car ils payent généralement avec leur argent de poche. De plus, le rythme de parution des mangas est beaucoup plus régulier que celui des bandes dessinées occidentales. Par exemple, il faut attendre plus ou moins 3 mois pour qu’un nouveau tome de One Piece (1997) d’Eiichirō Oda sorte, tandis qu’il faut patienter plusieurs années pour pouvoir lire un nouveau numéro d’Astérix.
            Cependant, la force du manga réside surtout dans le fait que les lecteurs s’identifient aux personnages. En effet, les protagonistes ont très souvent la même tranche d’âge que les lecteurs visés par l’œuvre (12-18 ans). Les mangakas inculquent par le biais de leurs travaux de nombreuses valeurs et principes aux adolescents, comme le courage, la tolérance, la discipline ou encore la persévérance. Plusieurs genres de mangas ont été créés (policier, romance, sport, combat, etc.) afin de toucher le plus large public possible. Par ailleurs, les mangas ne se limitent pas qu’à la version papier : on lit sur internet, on visionne leurs adaptations en dessins-animés, on en discute sur des forums, dans des conventions (notamment en France, avec Paris Manga et surtout la Japan Expo, le plus grand salon d’Europe sur la culture nippone). Enfin, si on s’intéresse plus particulièrement au cas de la France, les mangas constituent pour la jeunesse une sorte de contre-culture qui leur est propre : elle leur permet de se détacher de leurs parents et des vieilles bande-dessinées franco-belge qu’ils lisaient dans leur jeunesse, trop éloignées des réalités de la société actuelle.

Photo d'un stand à la Japan Expo
            Toutes ces raisons expliquent que les ventes de mangas ont explosé au Japon et dans le monde, et plus particulièrement en France. En effet, l’hexagone est le 2e marché mondial de mangas, juste derrière le Japon : on compte en 2019, selon l’institut GFK, 19 millions de mangas vendus (ce chiffre est en constante augmentation depuis 2014), ce qui est un record pour cette industrie. Les mangas représentent en France 30% des livres édités chaque année, et près d'une bande dessinée sur deux éditée en France est un manga. Cet art japonais a donner envie aux jeunes Français de découvrir le pays du soleil levant, et même souvent de découvrir d’autres éléments de sa riche culture, ce qui explique en grande partie le fait que, dans les établissements scolaires français, l’enseignement de la langue japonaise connaît ces dernières années une grande popularité chez les étudiants.


Sources utilisées :

Emission de France Culture : La France, deuxième patrie du manga  (31/03/2017) <https://www.franceculture.fr/emissions/le-petit-salon/la-france-deuxieme-patrie-du-manga>

Page wikipedia sur le manga <https://fr.wikipedia.org/wiki/Manga>

OZOUF, Paul, « Bilan manga 2019 : ventes en France, l'extraordinaire  ascension » [en ligne], in Journal du Japon. Disponible sur <https://www.journaldujapon.com/2020/04/19/bilan-manga-2019-ventes-en-france-lextraordinaire-ascension/>

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