Vegan carrots : questions de véganisme [avec Samuel Ducourant]

 
Le mercredi 3 juin Samuel Ducourant
s'est joint au groupe d'Initiation à la recherche
pour nous parler de véganisme,
séance dont voici un compte-rendu non-exhaustif


Véganisme et utilitarisme ?

 














Philosophe australien, professeur à l'université Princeton (États-Unis), il est la grande voix de la cause animale. Spécialiste d’éthique, il défend des positions utilitaristes. Il a notamment fait paraître La Libération animale (1975 ; trad. fr. Grasset, 1993) et L’Altruisme efficace (2015 ; Les Arènes, 2018).


Bentham's horse

« Autrefois, et j'ai peine à dire qu'en de nombreux endroits cela ne fait pas encore partie du passé, la majeure partie des espèces, rangée sous la dénomination d’esclaves, étaient traitées par la loi exactement sur le même pied que, aujourd’hui encore, en Angleterre par exemple, les races inférieures d’animaux. Le jour viendra peut-être où il sera possible au reste de la création animale d’acquérir ces droits qui n'auraient jamais pu lui être refusés sinon par la main de la tyrannie. Les français ont déjà découvert que la noirceur de la peau n'est nullement une raison pour laquelle un être humain devrait être abandonné sans recours au caprice d'un tourmenteur. Il est possible qu’on reconnaisse un jour que le nombre de jambes, la pilosité de la peau, ou la terminaison de l’os sacrum, sont des raisons tout aussi insuffisantes d’abandonner un être sensible au même destin. Quel autre [critère] devrait tracer la ligne infranchissable? Est-ce la faculté de raisonner, ou peut-être la faculté de discourir ? Mais un cheval ou un chien adulte est, au-delà de toute comparaison, un animal plus raisonnable, mais aussi plus susceptible de relations sociales <conversable>, qu’un nourrisson d’un jour ou d’une semaine, ou même d'un mois. Mais supposons que la situation ait été différente, qu’en résulterait-il ? La question n'est pas "peuvent-ils raisonner ?", ni "peuvent-ils parler ?", mais "peuvent-ils souffrir ?" ».

An Introduction to Principles of Morals and Legislation,
ch.17, sect.1, édité par J. H. Burns et H. L. A. Hart, Athlone Press, 1970, p. 282-283, note 1.

  • introduction de la souffrance comme élément décisif
  • les animaux sont des êtres sensibles
  • utilitarisme : théorie philosophique et éthique qui invite à maximiser le bien-être collectif de l'ensemble des êtres sensibles
  • régime alimentaire et mode de vie en conséquence : le véganisme (et ses variantes)


Les racines anciennes du véganisme

  • Cosmologie holistes ou de la réincarnation (Pythagorisme, jaïnisme)
  • Sentiment moral (Sociétés de défense des animaux, XIXe)
  • Contre l’élevage industriel (Ruth Harrison)
  • L’argument minimal : pas de cruauté (i.e. souffrance gratuite)
  • Repose sur une certaine analogie 

Ça crie, mais ça ne sent pas

Port-Royal, XVIIe siècle : vivisections, automates

André Versale, gravure sur bois



L'analogie

  • Comment savoir si l’autre souffre ?
  • Analogie fonctionnelle : la douleur est à l'animal ce que ma douleur est à moi
  • Analogie comportementale : les réactions physiologiques
  • Mais l'analogie est-elle une assurance fiable ? La question du rapport à l'altérité se pose

Edmund Husserl, 1929, Les Méditations cartésiennes

Cinquième Méditation

§50 − L’intentionnalité médiate de l’expérience de ce qui est étranger en tant qu’apprésentation
« Supposons maintenant qu’un autre homme entre dans notre champ perceptif ; réduit au primordial, cela signifie : dans le champ perceptif de ma nature primordiale apparaît un corps qui, en tant que primordial, n’est naturellement qu’un simple élément de détermination de moi-même (transcendance immanente). Puisque, dans cette nature et ce monde, mon corps propre est l’unique corps qui est originairement constitué et peut être constitué comme un corps propre (organe qui fonctionne), ce corps, là-bas, qui est néanmoins saisi en tant que corps propre doit tirer ce sens d’un transfert aperceptif issu de mon corps propre, et cela de manière à exclure une justification effectivement directe, donc primordiale, des prédicats de corporéité propre spécifique, une justification par perception véritable. Il est d’emblée clair que seule une ressemblance liant, à l’intérieur de ma sphère primordiale, ce corps là-bas et le mien peut fournir le fondement de la movitation pour la saisie analogisante du corps là-bas comme corps propre.
Ce serait donc une certaine aperception assimilatrice, mais en aucun cas un raisonnement analogique. L’aperception n’est ni un raisonnement ni un acte de pensée. »
§52 – L’apprésentation comme mode d’expérience et son style propre de confirmation
« Mais surgit maintenant le problème difficile de faire comprendre comment une telle aperception est possible, et comment elle n’est pas, au contraire, tout de suite annulée. Comment se fait-il, ainsi que nous l’enseignent les faits, que le sens transféré reçoive une validité d’être comme contenu existant des détermintaions psychiques du corps physique qui est là-bas, puisque celles-ci ne peuvent jamais se montrer elles-mêmes dans le domaine originaire de la sphère primordiale (la seule dont je dispose) ?
[…] La proposition suivante peut servir de fil conducteur suggestif pour l’explication requise : le corps propre étranger dont on a l’expérience s’annonce continuellement et effectivement comme corps propre mais seulement dans son comportement changeant, mais toujours concordant, et, ce, de telle manière que celui-ci, qui possède un versant physique indiquant de façon apprésentative le versant psychique, doit maintenant apparaître à titre de remplissement de l’expérience originaire ; et il en va de même dans le changement continu du comportement de phase en phase. Le corps propre est éprouvé en tant qu’apparence de corps propre lorsqu’il y a discordance.
[…] Ce qui est expérimenté sur ce mode fondé d’une expérience qui ne saurait être remplie de manière primordiale, d’une expérience qui n’est pas originairement donatrice mais qui confirme, de manière cohérente, ce qui est indiqué, c’est l’étranger. Il n’est donc pensable que comme l’analogon de ce qui est spécifique. […] En d’autres termes, une autre monade se constitue apprésentativement dans la mienne. […] »

La question des végétaux


  • peut-on parler de souffrance végétale ou de bien-être végétal ?
  • le système nerveux en question
  • distinguer le véganisme et l'antispécisme (même s'ils peuvent se croiser)
  • aller voir les travaux des Roseaux Pensants !

Dominations croisées

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  • liens historiques complexes entre la domination des femmes et l'exploitation des femmes
  •  intersectionnalité et multidimensionnalité 
  • politique des représentations discursives, textuelles, imagées et symboliques.


Conclusion : une question morale, sociale ou politique ?

  • dimensions morales, sociales et politiques qui se mêlent : nécessité de les prendre en compte coinjointement
  • intérêt d'une réflexion sur la souffrance : introduire un discours qui s'appuie sur la première personne, évacuant l'obsession de l'objectivité absolue de la connaissance.



Samuel Ducourant

Samuel Ducourant est doctorant en deuxième année à PSL et enseignant au CPES. Ses recherches s'inscrivent dans le champ de la philosophie et de l'histoire des sciences et sa thèse, intitulée  « Le Bien-être animal, des rationalités en début : un concept entre science et politique » est encadrée par Sophie Roux, philosophe des sciences, et Florence Burgat, philosophe spécialiste de la conddition animale. Il travaille ainsi sur les liens entre science et politique, sur la construction du savoir au sein des institutions, le tout avec une sensibilité féministe et un intérêt pour les subaltern studies.

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